Quelle surprise nous a réservée 2019 puisque nous pensions qu’il n’y aurait pas de Nuit sacrée, faute de finances… Laurent Bellin s’y était résigné quand soudain des chanteurs de l’année dernière l’ont relancé : « Nous étions bénévoles l’année dernière et nous le sommes encore ! Que fait-on ? » Leur exemple a été suivi par beaucoup : 4 techniciens de Saint-Merry sont même venus au dernier moment en prenant sur leur week-end… La Nuit sacrée a été animée avec sa générosité coutumière par Laurent Grzybowski, un journaliste du journal La Vie, très engagé dans la Pastorale. Cette pauvreté de moyens a finalement rendu plus visible la dynamique humaine qui est toujours à l’origine de ces moments : intelligence, efficacité, entraide. Mille tracts ont été tirés… Plus de mille personnes ne savaient comment dire merci, si ce n’est par des applaudissements chaleureux.
La foule, serrée autour du carré, allongée sur des coussins ou assises, le temps suspendu, oreilles tendues, les yeux écarquillés devant le spectacle qui nous était offert et était réellement exceptionnel, ou bien les yeux fermés pour mieux se recueillir à l’invitation éventuelle des « célébrants ».
La Nuit Sacrée, le samedi 8 juin
Des groupes de musique sacrée, traditionnelle et du monde ont fait vivre et ont partagé la fraternité à travers des mondes culturels différents mais … fixés aussi à Paris. Un des « fidèles » de la Nuit sacrée vous en parle.
« Très belle soirée que celle de la Nuit Sacrée : intime, chaleureuse, vibrante …
Variété des voix, des instruments et des sons ! Et commune inspiration bien que nourrie à des sources très différentes.
D’abord, des instruments solistes, cithare ottomane, je crois, puis flûte traditionnelle du Japon à l’austérité savoureuse, toujours inattendue.
Ensuite, les voix de femmes, engagées, passionnées puis celles d’une jeune chorale d’inspiration corse dont les voix se combinent et alternent, faisant résonner profondément les voûtes de Saint-Merry.
Nous sommes ensuite amenés dans l’Orient par une jeune soliste qui chante des chants byzantins et syriens.
Apparaissent alors les actrices somptueusement parées du théâtre Mir-Bari de Corée du Sud : la Princesse folle de douleur arrache son père à la mort en se confrontant à l’au-delà. C’est du moins ce qu’il m’a semblé comprendre. Mais peu importe !
De toute façon l’expérience est intense. L’émotion esthétique devient tout naturellement une forme d’hommage à l’invisible comme dans toutes les musiques de la soirée imprégnées d’une profonde expérience de la spiritualité et qu’il nous est proposé de partager à notre manière.
La soirée se termine fort tard par une musique vibratoire aux bois de cristal, didgeridoo de cristal et didgeridoo de bois.
Merci à tous ceux qui ont permis un tel partage ouvert à tous dans le respect, l’écoute et la fraternité : les musiciens et acteurs mais aussi tous ceux qui ont participé à l’organisation de cette mémorable soirée où l’assistance nombreuse et attentive donnait l’impression d’un vrai recueillement. »
Alain Merlet
La Nuit sacrée, le dimanche 9 juin 2019
L’espace et le temps étaient plus dédiés au cultuel et au spirituel : des communautés religieuses sont venues chanter Dieu et la paix dans bien des langues, et ont prié devant nous et avec nous.
Cela a commencé par un chaleureux Peeda’s Gospel, mouvant et animé, plein de souffle, d’émotions et de rires. Le chef de chœur, athlétique et plein de feu, a exprimé une profonde conviction religieuse et interpellait la salle avec vivacité : c’est lui-même qui compose ses chants … C’est du lourd !
Il y a eu ensuite ( je vais en oublier c’est sûr ! ) le Temple Fo Guang Shan qui m’a étonnée par la variété de l’expression de sa prière bouddhiste : un groupe de jeunes en jeans qui ont réalisé comme un flash mob, moderne et très expressif ; deux nonnes bouddhistes qui nous ont fait méditer dans un profond silence, et qui ont également chanté en s’accompagnant de 2 petits instruments ; une quinzaine de danseuses bouddhistes également fleuries et habillées de rose et blanc qui nous ont ravi par des mouvements très dessinés et élégants jusqu’au bout des doigts…
La chorale Kehilat Gesher a interprété de synagogue accompagnés au piano : on nous les a bien expliqués avant , et nous avons pu les rythmer en frappant des mains en cadence et même reprendre certains refrains.
Un moine zen représentait toute sa communauté , partie « s’asseoir » ailleurs : avec sa flûte au son assourdi et étouffé et son costume blanc, il nous emmenait sur un chemin lointain et sans fin…
Et enfin un groupe important de soufis, Dervish Spirit, hommes et femmes mêlés, simples et souriants, nous ont permis d’entrer dans l’intimité recueillie de leur prière : une longue musique à la suite de laquelle deux participants hommes ont dansé à nous faire attraper le vertige, (comme) perdus en Dieu, sous l’œil attentif et paisible de leur imam.
Au milieu du dimanche après-midi, un temps de silence pour la paix dans l’église tout entière dédiée au recueillement, puis la lecture ensemble du manifeste de la Nuit sacrée de Saint-Merry qui réunit tant de différences. ( Pour le retrouver : https://nuitsacree.org/ ). Graines d’espoir.
Laurent Grzybowski : « La Nuit sacrée nous rappelle que si les religions souvent nous séparent par leurs dogmes et leurs doctrines, la spiritualité, elle, peut nous rapprocher. Parce qu’elle vient du cœur de l’homme, la spiritualité nous ouvre aux autres et au Tout-Autre. »
C’était pour moi ( mais aussi pour un enfant de dix ans non loin de moi ) étonnant et exaltant de voir cet échantillon de notre diversité tous si ancrés dans leurs racines, et expliquant un peu de leur monde en parlant …eh oui, comme nous !
C’était une chose étonnante aussi de réaliser toutes ces manières de prier, de voir leur joie et leur recueillement : passant par-dessus la pudeur, confiants, ils nous l’ont partagé ( ferons-nous pareil un jour ?) : c’était pour eux comme rendre un témoignage fraternel, faire un pas en avant vers l’autre qui les accueillait dans sa maison…
Marguerite Champeaux-Rousselot